jeudi 14 février 2013

Et si j'étais un inuk?

Si j'étais un Inuk, je serais né dans une famille qui me donnerait toute la liberté que je désirerais. Elle me dirait ce qu'elle pense de ce que je fais, mais elle ne m'empêcherait pas de faire ce que je veux. Je serais un enfant qui se promène la nuit dans le village, qui rencontre des étrangers blancs et joue dans la neige avec eux sans qu'aucune surveillance ne m'en empêche. Je pourrais acheter ce que je veux (y compris ce qu'au sud nous appelons 'facteurs de risque de...'), comment je veux et quand je veux.

Si j'étais un Inuk, je saurais que ce qui guide ma vie, c'est ce qui doit m'arriver, c'est ce qu'on ne peut prévoir, c'est le destin. Je saurais que peut importe ce que je fais, c'est lui qui va décider de ce qui m'arrivera. Je saurais que si demain j'y suis, alors je pourrai choisir ce que j'y ferai pour suivre mon chemin. Je n'aurais pas peur du futur, je vivrais le présent.

Si j'étais un Inuk, je prendrais mes décisions au jour le jour, lorsque viendront mes besoins, parce que de toute façon, tout ce que je pourrais faire ne m'aiderais qu'à y répondre. Je prendrais mon ski-doo et mon fusil pour aller chasser quand j'aurais du gaz et des balles. Je travaillerais comme chauffeur d'autobus quand j'aurais besoin d'argent pour m'en acheter.

Si j'étais un Inuk, je comprendrais les gens qui m'entourent en les observant. Je comprendrais que c'est de cette manière que mes ancêtres l'ont fait. Je comprendrais aussi que les gens qui m'entourent n'ont pas besoin de mon aide pour diriger leurs volontés, tant qu'ils ne me les auraient pas exprimées. Et je ne tenterais pas d'influencer leur destin puisque eux-seuls ont le pouvoir de le faire.

Si j'étais un Inuk, je ne pourrais penser pour quelqu'un, puisque je ne saurais pas ce qu'il pense ni ce qu'il veut. Je ne pourrais penser au futur non plus tant que je ne saurais pas ce que j'y voudrais et ce que j'y aurais comme besoin.

Si j'étais un Inuk, comment pourrais-je organiser des activités pour des personnes âgées, je ne peux pas savoir ce qu'ils veulent faire? Et comment pourrais-je savoir si la mise en place d'un centre de jour pourrait m'aider moi ou ma communauté? S'il existait et que je voudrais m'y rendre, il pourrait peut-être m'être utile, comme à ma communauté.

Mais là, je suis blanc. J'ai mes peurs, celles qui me parlent de moi, mais celles que j'ai pour vous. J'ai peur de tout, de tout ce qui me prive, de tout ce qui me manque, de tout ce qui m'arrive, de tout ce qu'on invente, de tout et de rien, à quelle heure mon bonheur. Je vous dirais que c'est plus dur encore quand on ne s'arrête pas qu'à soi.

Les études de blancs sur vos conditions de vie jugent que vous avez besoin d'aide. Je crois comprendre, par les documents que produisent les organisations qui vous représentent (paradoxe?) que vous désirez en obtenir. Je ne pense pas pouvoir vous sauver. Je pense encore moins que le sud va vous sauver, mais y a-t-il quelque chose que je pourrais faire et que vous pensez qui pourrait vous être utile? J'aimerais vraiment dire à la Régie qu'un centre de jour permettrait à votre communauté de grandir par elle-même et pour elle-même, mais comment puis-je le savoir? Est-ce que je ne vous nuis pas plus que je vous aide? Parce qu'il y a des jours où je me demande si je ne vous cherche pas des bobos.

Et puis d'abord, si j'étais un Inuk, je n'essaierais pas de me mettre dans votre peau, ni dans la peau d'un autre. Si j'étais un Inuk, je ne me poserais tout simplement pas la question.

Guillaume

ps. Pour ceux qui se le demandent: Inuk = être humain; Inuit = pluriel d'Inuk. 
Pour poursuivre la réflexion : En ce monde, Daniel Bélanger

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