mardi 26 février 2013

La grand-mère et l'ours


Une histoire exprimant la résilience des Inuit m’a été racontée.

Il n’y a pas si longtemps,quand les Inuit étaient encore nomades, une famille vivait dans la toundra, pas très loin de l’endroit actuel qu’on appelle Puvirnituq. Il y avait : le père, la mère, les enfants et la grand-mère. L’hiver avait été particulièrement ardu et, contraint à une importante rareté de la nourriture, la famille décida d’abandonner la grand-mère dans la toundra. Elle  les ralentissait et dans ce contexte était inutile pour le groupe.

C'était peut-être près d'ici que la grand-mère a été abandonnée par sa famille...


C’est ainsi que la grand-mère se retrouva seule à errer dans cet environnement aride et impardonnable. Laissée à elle-même,c’est alors qu’ elle commence à chercher de la nourriture. Bien qu’handicapée - elle se déplaçait avec une canne de manière chambranlante - elle souhaitait prouver à la famille qu’elle était encore capable d’être utile. 

La neige était gelée, une neige parfaite pour faire des igloos, et recouverte d’une fine poudreuse. Quelque chose attire le regard de la grand-mère vers le sol. Elle place ses mains dans ce qu’elle croit être des traces et, n’étant même pas en mesure de les recouvrir de ses deux mains, en arrive à la conclusion qu’il ne peut s’agir que de traces d’ours polaire. À la fois un animal imposant et féroce, il est rare qu’on décide spontanément de le chasser, Se disant que c’est mieux de trouver de la nourriture pour prouver sa valeur à la famille que de geler à mort, elle décide de le traquer.

C’est alors qu’après quelques heures de marche parsemé du seul son de la neige qui tombe au sol, un changement dans cette régularité. Comme un soupir, une respiration haletante. Elle se retourne et il se tient sur ses pattes arrières: Nanuk. Elle aurait préféré pouvoir penser à un plan et l’approcher graduellement. Être mise dans une situation comme celle-ci ne commande qu’un sentiment : la peur. Elle ne peut arrêter de fixer  l’animal. De son pelage blanc se détache des lames noires qui la trancherait d’un seul coup s’il le décidait. Elle est effrayée. Elle voudrait courir mais  elle sait qu’elle ne le peut pas. Il la rattraperait immédiatement et l’enverrait vers l’au-delà.

Il se tenait sur ses pattes arrières. Intimidant et commandant le respect.

C’est alors que l’instinct essaie de prendre le dessus. Tous les moyens sont bons pour tenter d’allonger la vie. Mais comment faire? Elle a l’espoir d’un signe, d'un miracle, que les esprits de la toundra la protégeront contre l’inévitable. Rien d'autre que le son du vent et la peur. L'instinct tente de revenir à la charge. Elle ne pense plus clairement. Tout est flou. Il n'y a plus que l'impulsivité du moment qui existe. 

C'est alors que sans penser, elle prend sa canne et place une de ses mitaines à l’extrémité de celle-ci. Elle s’agenouille espérant que ce baton de bois sculpté couronné de cette taillade de fourrure et de cuir de phoque la protégera.

Rien d'autre que le vent et la peur

L’ours s’approche. C’est la fin. J’irai rejoindre les esprits de mes ancêtres et je reviendrai sur la terre qu’elle se dit. La grand-mère ferme les yeux en pointant l’animal avec le bâton. Plus un son. Le néant. Puis, le vent. 

Elle est en vie.

 Elle  n’est pas dans l’au-delà mais bien dans la toundra. L’animal devant elle, n’est plus sur ses deux pattes mais bien étendu au sol. Il est encore en vie. Suffoquant, comme à bout de souffle. La mitaine qui apparaissait comme une planche de salut invraisemblable est allée se loger dans la gorge de Nanuk. C’est terminé. L’ours n’est maintenant plus qu’un tas de viande et de fourrure.

La grand-mère prend ce qu’elle peut et retrace la famille dans la toundra. Ils ont réussi à s’adapter. Elle entre dans l’igloo telle une revenante et dépose la viande d’ours au centre de l’igloo.

Pas besoin de dire quoi que ce soit. Que des regards. La réalisation que malgré son âge avancé, la sagesse et la résilience de la grand-mère en font un membre utile de leur clan...

Qu’arrivera-t-il à la prochaine famine?

Mythe  ou fait vécu. N'empêche, elle est commémorée dans l’aéroport de Puvirnituq. Une très belle sculpture met en valeur la grand-mère face à l’ours, tous deux sur un traineau. Au milieu des lames du traineau comme tombé de l’espace, une roche.

Ce n'est pas dans l'aéroport de Puvirnituq mais bien dans la toundra que l'histoire s'est déroulée

« Qu’est-ce qu’elle fait là », que je demande à un gars de l’aéroport.

« Pendant l’inauguration de la bâtisse, le gouvernement a envoyé une délégation ici. Ils ont été attiré par la sculpture et ont complètement oublié les lamelles. Un membre du gouvernement s’est enfargé dedans et est tombé en pleine figure. Y en a qui disent qu’il s’est cassé des côtes, d’autres les jambes. »


Baba et grand-maman, je ne vous abandonnerai jamais dans la toundra!

Benjamin 

dimanche 24 février 2013

La langue

La culture

À force d'entendre et de croire les gens rapporter des situations à propos des gens et des choses, on se forge une image de ceux-ci.
Ce qu'il faut se rappeler dans la vie, c'est que lorsqu'une personne décrit, ce qu'elle décrit a déjà été analysée et interprétée par elle. Quand il n'est pas possible d'observer quelque chose par soi-même, et ainsi l'analyser soi-même, il est important d'avoir plusieurs sources d'information pour pouvoir diminuer le jugement personnel de ce qu'on cherche à comprendre. C'est ce qu'on appelle la triangulation. Dans un milieu où plusieurs cultures se côtoient, les différences d'interprétations peuvent être encore plus grandes. Bref, la culture des gens influence leur façon d'analyser, ce qui les amène à avoir des conclusions différentes.

Exemple simplifié :
  • Il y a beaucoup de vols de voitures à Montréal. Que je m'arrêtes 3 ou 20 minutes à la caisse, je barre mes portes.
  • Les portes de ma voiture ne s'ouvrent pas quand je les barres l'hiver. Quand je m'arrête à la caisse de Sherbrooke, je laisse les portes débarrées.
  • Je suis à un chalet loin de tout au Témiscamingue. Je stationne ma voiture à une demi-heure de VTT de mon chalet et à plusieurs heures de la plus proche ville. Si une personne qui passe par cette route a un problème pendant que je n'y suis pas, elle pourra prendre ma voiture pour se dépanner. Je laisse les clés sur le siège.
  • Quand je fais le tour des maisons où je dois faire des interventions à Puvirnituq, je m'arrête 5-10 minutes à chacune. Étant donné qu'il fait -40°, ma voiture risque de ne pas redémarrer si elle n'est pas branchée à ma maison, même pour 5 minutes. Je laisse le moteur tourner.
  • Quand j'utilise une voiture, je brûle du pétrole qui va polluer la Terre de mes enfants. Même si, des fois, ça m'énerve de ne pas pouvoir y aller directement au Saguenay, je n'en ai pas besoin de clé de voiture.
Donc, si une personne me donne une information, elle n'a pas "automatiquement" la bonne information. Je dois d'abord trianguler. Surtout si la personne qui me la donne ne l'a pas triangulé avant moi.
D'ailleurs, ça fait longtemps qu'on sait tout ça. Quand les grecs ont inventé la démocratie, c'était pour que les décisions reflètent les opinions de toute la population, pas seulement celle des gens qui croient qu'ils la pratiquent. Des fois, on devrait essayer de se le rappeler.
Autrement dit, lorsque je recueille des informations pour connaître la pertinence d'un centre de jour, il est important de demander l'avis des Inuit... même s'ils ne sont pas toujours invités aux réunions.


Racine des mots

Un mot en inuktitut, vous vous y attendez, n'est pas construit de la même manière qu'en français. Honnêtement, j'y comprends encore rien. Il faut aussi savoir qu'il s'agit d'une langue qui évolue rapidement, des mots sont fréquemment inventés pour écrire à propos de sujets qui n'avaient jamais été abordés en inuktitut. Il faut aussi tenir compte du fait qu'une bonne partie des gens qui peuvent le mieux nous aider à comprendre l'inuktitut ne parlent que l'inuktitut...
Je sais que pour les verbes, la première partie du mot fait référence au verbe d'action, tukisi-. On y ajoute un suffixe pour préciser qui fait l'action, tukisitunga. On peut y ajouter la négation entre les deux, tukisingitunga. Il faut aussi être attentif au dialecte du lieu où on se trouve, il existe des différences entre l'inuktitut du Nunavut et du Nunavik, entre celui de la côte de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava et entre celui de chaque village, tukisingitunga = tikisingipunga. Il faut faire attention, parce qu'une différence d'une ou deux lettres peut changer le sens du mot, tukitunga « n'= pas » tukisitunga. La prononciation n'est pas la prononciation française des lettres, tukisingitunga se prononce « toukisignitougna ». Et en fait, l'inuktitut s'écrit avec des symboles différents des nôtres. Tukisignitunga s'écrit donc :

...et veut dire: « Je ne comprends pas ». C'est bon à savoir.

Même s'il n'y présente pas les dialectes du Nunavik, le site suivant est intéressant à explorer:
http://www.tusaalanga.ca/fr

(Guillaume)


mardi 19 février 2013

La devinette

Une devinette

On peut la réduire. On peut l'agrandir. On peut la traverser et on peut la marcher.
Elle nous fait peur. Elle nous fait pleurer. Elle nous rend fier et nous fait réfléchir.
C'est une chose qui confronte, qu'on affronte, qui fait mal, qu'on s'imagine mal.
Parfois, on l'oubli, on l'accepte et on la vie.
Certains désirent s'en protéger : « Loin des yeux, loin du coeur ».
D'autres cherchent à se l'approprier : « Je te garderai dans mon coeur ».
Au Nunavik, on la parcours en avion, en bateau, quelques-un en motoneige...

 
...c'est la distance qui sépare deux êtres!


Les petites choses

Je crois que le Nunavik a comme avantage de permettre à ses passagers de réfléchir aux petites choses. Que ce soit celles qui nous entourent, celles qu'on ne voyaient pas, celles qu'on gardais en dedans, elles nous sautent au visage, on les prend comme on prend un joyaux ou un enfant, on les scrute et on les apprécie, ou on apprend comment les apprécier. À l'occasion, ces petites choses deviennent grandes au point ou on se sent tout petit ou tout seul, mais un court appel, une gentille personne avec beaucoup d'écoute et on grandit à nouveau. Certaines petites choses se perdent complètement et d'autres deviennent tout à coup bien précieuses.


Les réalisations

Sentir qu'on évolue, quand on part de là :

Qu'on est passé par là :

Et qu'on est rendu là :


Puvirnituq

Demain, je prend l'avion qui m'entraîne en haut de la côte de la baie d'Hudson. Je reconnais que je suis chanceux. Je le souhaiterais à n'importe qui. À toute personne qui aime les découvertes, qui aime les gens, qui aime les paysages et qui aime apprendre sur soi. Et à toutes celles qui veulent apprendre à les aimer.

En tout cas, moi je vous aime, très chère.

Guillaume

lundi 18 février 2013

Jeannie et les Walkers


Une entrevue exigeante mentalement plus tard, prenons un peu de temps pour décompresser. La baie de Wakeham s’offre à nous. Profitons de l’exploration qui nous est donnée de ce paysage car une chance d’être dans un village Inuit et de marcher sur la baie gelée ne s’offre pas 2 fois dans une vie.

Sur la baie, mis à part nous et les chiens de traineaux attachés au loin, une fille, ou plutôt une femme. Elle marche en parallèle puis graduellement s’approche vers nous.

Hi! qu’elle dit
Hi!, qu’on répond.

Where are you going? qu’on dit.
I’m going on the other side of the bay then I’m going to stretch across the side of the mountains and go back to the village to meet my friends and pick up mussels with them at 4hrs30, qu’elle dit.

Le raisonnement suivant se fait dans notre tête :

Il est 14hrs ce qui signifie qu’il doit rester environ 2 heures 30 de clarté. On calcule presque 1hrs30 pour se rendre d’un bout à l’autre de la baie. C’est le genre de marche pour lequel on a pas l’impression de bouger à partir d’un certain moment. Comme si on courait sur un tapis roulant et que l’autre rive n’arrivait jamais. Il reste donc 2hrs30 de clarté. Sans compter le reste de la baie à marcher.

Il y a 5,5 km entre Kangiqsujuaq et les montagnes de l'autre côté. Ça se fait bien à  la clarté mais il faut avoir le temps de revenir!


Guillaume de dire : Do you have a flash light?

No. But, I’ll try to go and walk with you. It’s nicer to walk with someone.

Malgré les ''risques'' liés à la noirceur, la baie offre des points de vue intéressants.
Pendant près d’une heure on jase avec cette Métis de père blanc de Québec et de mère Inuit de Salluit. Elle s’appelle Jeannie et a l’air d’avoir mon âge ou d’êtr un peu plus vieille. Elle porte un manteau qu’elle a cousue elle-même. Je connais rien à la mode mais on aurait juré qu’il venait d’un de ces grands magasins dans lesquels ils vendent des manteaux.

Au fil des discussions, on apprend beaucoup sur Jeannie qui met en perspective le fait que beaucoup de jeunes Inuit vivent énormément de stress dans diverses occasions.

Have you ever seen a polar bear?, dit Guillaume.

Chaque soir, Guillaume convainquait son petit compagnon de nous accompagner jusqu'au milieu de la baie. Il l'aurait protégé contre les ours polaires

Yeah, I saw a baby with my fiancee a couple of years ago. But now he is dead. He died in a skidoo accident.

Elle en parle avec un calme exprimant une résilience qui montre sa capacité à se remettre d’évènements intenses.

Do you have some friends in the village?

Oh yeah! But some have moved away, some are not there (elle fait le signe de dring dring avec ses mains sur le bord de sa tête), some are dead from suicides and some accidents. One of my friend got killed while backing his boat near the dock down there a couple of years ago, dit-elle en pointant le quai au loin.

I am a firefighter and a first respondant in Salluit.

What made you go into this job? que je lui demande.

I was a firefighter first, there are about 2 fires every year in Salluit. Then, a couple of years later, my baby started to have seizures. He was shaking on the floor and getting blue and I didn’t know what to do so I decided that next time it happens, I want to know what to do.

You have how many kids?

I have 2. One is 7 and the other is 4. Inuit start early, qu’elle dit en riant.

Tout au long de la discussion avec Jeannie, je me rends compte que bien qu’elle a vécu beaucoup de chose pour son jeune âge, ou comme le dirait mon père en parlant de Jean Lapointe, lui il c’est comme s’il a eu 3 vies dans une vie, elle est heureuse aujourd’hui. Les Inuit s’adaptent au fil des évènements et vivent le moment présent et demain, on ne sait pas ce qui arrivera mais on décidera ce qu’on fera quand on arrivera là. Certes, il y a le deuil mais on se relève et on repart et on mord dans la vie. On vit notre vie au maximum.

Elle a un bon sens de l’humour. Elle nous parle d’ailleurs du surnom que les gens de la région nous on donné et ce, malgré notre courte présence.

When I went walking, I asked the people in the village because there was nobody else on the bay, who are these guys? And they told me, that they are the walkers.

Why do they call us like that? Qu’on lui demande.

I don’t know, I guess it’s because people see you walking all the time.

On se casse pas la tête. C’est simple. C’est drôle. C’est représentatif. C’est parfait!

Voici une photo des fameux Walkers de Kangiqsujuaq
Benjamin

samedi 16 février 2013

La très grande baie


Cette semaine, nous avons la chance de prendre l’avion pour nous diriger vers Kangiqsujuaq. Départ prévu de l’aéroport de Kuujjuaq, 14hrs20. Yes, on va pouvoir regarder la toundra et peut-être voir des caribous comme il n’y a pas d’arbre après Tasujiaq...Erreur fatale Benjamin! Ta moustache devait ciller quand tu as dit ça. On ne doit pas se faire d’attentes au Nord.

Délai dans le vol jusqu’à 16hrs30. Quand ce sont pas les blizzards qui annulent les vols, ce sont les bris mécaniques qui les retardent. Et pas n’importe lesquels, une courroie métallique dans la porte de l’avion qui sert à le fermer. Finalement, départ vers 17hrs30. Pas de check-up de sécurité, on se fait confiance ici. Une fois dans l’avion, un DASH-8, on a la chance de choisir nos places et comme nous sommes le nombre idéal, les rangées sont toutes remplies avec des gens seulement sur le bord des hublots.

Pas de caribous, mais les villages sont très faciles à repérer de l’avion. Je vois Tasiujaq, Kangirsuk puis Quaqtaq comme des petits regroupements de lumières au sol. Puis, pendant 25 minutes, pas de lumières sauf pour une aurore (hehe c’est rendu une habitude pour nous). Ensuite, on sent la descente de l’avion. 

Hein? Il y a rien ici. 

Atterissage à l’aéroport de Kangiqsujuaq en plein coeur des montagnes. On est arrivé dans notre premier village!

L'aéroport. Quand je dis que c'est au milieu des montagnes!

Comment on va au village? Déjà, l’approche avec les Inuit est plus facile ici. Un Inuit est à l’aéroport et conduit l’autobus de la ville pour lequel il me dit que ça serait 5 dollars pour nous rendre à la Co-op. Au lieu deça, il appelle notre transport gratuit. Niakormik!

La réputation de Kangiqsujuaq est que c’est un très beau village et elle n’est pas surfaite. Littéralement entourée de montagnes, les maisons qui ont poussées dans toutes les directions font face à la baie de Wakeham, gelée.

Kangiqsujuaq. En face, la montagne que nous avons escaladé le premier matin. Ne vous méprenez pas, la pente est raide!
La très grande baie à perte de vue. 

Premier matin, 6hrs30. On va grimper une des montagnes avant de commencer la journée. Ouin, ça a l’air facile à grimper. En montant, on se rend compte que les apparences sont trompeuses quand on regarde le paysage. On revient quand même vers 8hrs45 à la Co-op pour commencer la journée de stage avec 15 minutes d’avance. Oui, il est possible de faire un stage en joignant un intérêt pour l’ergothérapie et le plein air!

En stage, tout est possible. Suffit de prendre le temps de profiter de ce qui nous entoure.  Qu'on soit au Nunavik ou ailleurs!

Beaucoup plus petit que Kuujjuaq, ce village est très accueillant même pour nous Qallunats (« grands sourcils », merci Guillaume et Sanaaq). On nous salue partout ou on va.


Nous avons l’occasion de visiter le musée du cratère de Pingaluit, véritable merveille au milieu de nulle part qui fait un cercle parfait et s’est formé suite à l’écrasement d’un fragment de météore. Il s’agit également du premier parc national fondé au Nunavik. Il mériterait sa place dans un de ces livres Lonely Planet, mais ne l’a pas faute de ne pas regarder chez soi lorsqu’on cherche à voir des merveilles. 

Cratère de Pingaluit. Il faudra revenir un jour au Nunavik pour le voir...

  J’ai également rencontré un responsable du musée et du développement de parc au Nunavik très impliqué dans la communauté. Pour ne pas être dépaysé, ce M. vient de Valleyfield à côté de Châteauguay et connaissait feu mon oncle. Il est venu au Nunavik il y a 33 ans et a une formation en géographie médicale. Wow, ça c’est être spécialisé et faire ce que tu veux. Même s’il ne fait pas ce qu’il avait initialement appris dans sa formation et que tout le monde l’en a découragé, il est resté au Nunavik et dit que c’est la meilleure décision de sa vie.

Pour ceux à qui Kangiqsujuaq disait peut-être quelque chose, il s’agit d’un village du Nunavik qui est reconnu pour être un endroit ou les gens pêchent leurs moules de manière particulière. En effet, lorsque la marée est basse sous les glaces, ils font un trou dans celle-ci et s’y glisse et selon la distance entre le sol et la glace, rampent ou se lèvent pour les pêcher. Wow!

Le mouvement de l'eau sous les mètres de neige et de glace laisse sa marque. C'est à 15 km de cette fissure que les Inuit se glisse sous la glace pour pêcher les moules. 

Benjamin

 Source de l'image: http://www.linternaute.com/voyage/amerique-du-nord/nunavik/image/cratere-pingualuit-658250.jpg 

jeudi 14 février 2013

Et si j'étais un inuk?

Si j'étais un Inuk, je serais né dans une famille qui me donnerait toute la liberté que je désirerais. Elle me dirait ce qu'elle pense de ce que je fais, mais elle ne m'empêcherait pas de faire ce que je veux. Je serais un enfant qui se promène la nuit dans le village, qui rencontre des étrangers blancs et joue dans la neige avec eux sans qu'aucune surveillance ne m'en empêche. Je pourrais acheter ce que je veux (y compris ce qu'au sud nous appelons 'facteurs de risque de...'), comment je veux et quand je veux.

Si j'étais un Inuk, je saurais que ce qui guide ma vie, c'est ce qui doit m'arriver, c'est ce qu'on ne peut prévoir, c'est le destin. Je saurais que peut importe ce que je fais, c'est lui qui va décider de ce qui m'arrivera. Je saurais que si demain j'y suis, alors je pourrai choisir ce que j'y ferai pour suivre mon chemin. Je n'aurais pas peur du futur, je vivrais le présent.

Si j'étais un Inuk, je prendrais mes décisions au jour le jour, lorsque viendront mes besoins, parce que de toute façon, tout ce que je pourrais faire ne m'aiderais qu'à y répondre. Je prendrais mon ski-doo et mon fusil pour aller chasser quand j'aurais du gaz et des balles. Je travaillerais comme chauffeur d'autobus quand j'aurais besoin d'argent pour m'en acheter.

Si j'étais un Inuk, je comprendrais les gens qui m'entourent en les observant. Je comprendrais que c'est de cette manière que mes ancêtres l'ont fait. Je comprendrais aussi que les gens qui m'entourent n'ont pas besoin de mon aide pour diriger leurs volontés, tant qu'ils ne me les auraient pas exprimées. Et je ne tenterais pas d'influencer leur destin puisque eux-seuls ont le pouvoir de le faire.

Si j'étais un Inuk, je ne pourrais penser pour quelqu'un, puisque je ne saurais pas ce qu'il pense ni ce qu'il veut. Je ne pourrais penser au futur non plus tant que je ne saurais pas ce que j'y voudrais et ce que j'y aurais comme besoin.

Si j'étais un Inuk, comment pourrais-je organiser des activités pour des personnes âgées, je ne peux pas savoir ce qu'ils veulent faire? Et comment pourrais-je savoir si la mise en place d'un centre de jour pourrait m'aider moi ou ma communauté? S'il existait et que je voudrais m'y rendre, il pourrait peut-être m'être utile, comme à ma communauté.

Mais là, je suis blanc. J'ai mes peurs, celles qui me parlent de moi, mais celles que j'ai pour vous. J'ai peur de tout, de tout ce qui me prive, de tout ce qui me manque, de tout ce qui m'arrive, de tout ce qu'on invente, de tout et de rien, à quelle heure mon bonheur. Je vous dirais que c'est plus dur encore quand on ne s'arrête pas qu'à soi.

Les études de blancs sur vos conditions de vie jugent que vous avez besoin d'aide. Je crois comprendre, par les documents que produisent les organisations qui vous représentent (paradoxe?) que vous désirez en obtenir. Je ne pense pas pouvoir vous sauver. Je pense encore moins que le sud va vous sauver, mais y a-t-il quelque chose que je pourrais faire et que vous pensez qui pourrait vous être utile? J'aimerais vraiment dire à la Régie qu'un centre de jour permettrait à votre communauté de grandir par elle-même et pour elle-même, mais comment puis-je le savoir? Est-ce que je ne vous nuis pas plus que je vous aide? Parce qu'il y a des jours où je me demande si je ne vous cherche pas des bobos.

Et puis d'abord, si j'étais un Inuk, je n'essaierais pas de me mettre dans votre peau, ni dans la peau d'un autre. Si j'étais un Inuk, je ne me poserais tout simplement pas la question.

Guillaume

ps. Pour ceux qui se le demandent: Inuk = être humain; Inuit = pluriel d'Inuk. 
Pour poursuivre la réflexion : En ce monde, Daniel Bélanger

dimanche 10 février 2013

Bain de culture

Depuis mon arrivée ici, j’ai été en contact avec la culture Inuit de manière ponctuelle. Des conversations avec des employés Inuit, avec les aînés de Kuujjuaq ou lors d’entrevue ou des observations extérieures étaient mes expériences. Je sentais malgré tout que ces interactions n’était pas assez pour moi pour dire que j’avais vraiment eu l’opportunité de m’imiscer dans cette culture. La fin de semaine dernière, je sens que j’ai vraiment eu mon premier bain de culture de Kuujjuaq. Celui qui donne la piqûre du Nord et fait sentir qu’on est dedans et non un observateur extérieur.

Tout commence vendredi lors de notre potluck de la régie ou chacun amène un plat. Le repas commence par une prière pour remercier pour toute la nourriture et le fait que chacun soit réuni. Par la suite, la coutûme est de commencer le repas par une aîné qui comme l’a précisé la directrice générale de la régie, soeur de cette dame, n’est pas nécessairement basé sur l’âge mais bien sur la sagesse. Par la suite, les enfants se servent. Suive les autres.

 Intrigué de voir si c’était Dieu qu’elle remerciait, j’ai demandé à la dame ayant fait la prière. Elle m’a dit que les Inuit du Nunavik étaient très spirituel. Ils ne croient pas nécessairement en Dieu mais en une chose qui explique que chacun se retrouve à un endroit à un certain moment. Appelez ça le destin, peut-être. Est-ce que c’est ça qui a fait que moi et Guillaume nous retrouvons à partager ce repas à Kuujjuaq le 8 février 2013...

Par la suite, dégustation des plats. Je saute les plats non-Inuit bien que très bons. Nous avons pu goûter à du caribou gelé. Habitué de le déguster chaud dans ma famille, de le manger comme ça permettait de goûter subtilement la viande (j’utilise subtil car le fait que ce soit gelé coupe légèrement le goût).

Le soir, nous nous rendons à l’hôtel de ville dans le cadre de l’évènement good touch/bad touch qui était un moyen de faire de la promotion de la prévention des abus sexuel. Cet évènement, organisé par 3 de nos collègues invitait toutes les personnes de la communauté à des activités et un repas gratuit pour finir la semaine sur une bonne note.

J’ai eu la chance de goûter à un ragoût de ptarmigan, petit oiseau se retrouvant au Nunavik, un peu simplet (les gens de la Régie disent le chasser à l’occasion avec des bâtons de marche). Croyant avoir eu un bon morceau d’aile dans mon assiette, j’ai eu la surprise en regardant mon assiette de plus près, d’avoir la tête de cet oiseau (avec le bec et les yeux). J’ai goûté au bec (quand t'es à Kuujjuaq, fais comme les Kuujjuamiuts) et réussi à retirer des petits morceaux de viande dans le labyrinthe d’os de l’oiseau. Ensuite, sur le sol, nous avons pu goûté à de l’omble chevalier. Coupé en lanière, les gens s’assoit autour d’une bâche sur laquelle repose les lanières et la tête. Wow!!! Nous avions vu ça juste sur des photos jusqu’à date. Nous sommes les photos maintenant!


Les filles avaient invité un musicien de Kuujjuaq, Edward Snowball, qui nous a fait danser au rythme de ses compositions en Inuktitut avec un feel country et de covers de tounes des Red Hot Chilli Peppers et autres. C’est fou comment peu importe la langue, les accords de guitare sonnent familiers. Après 2 à 3 accords : ‘’Hey, c’est les accords de telle toune’’...pour finalement entendre le début en Inuktitut.  Ça sonne bien! Mention honorable à Vungnaa (mauvais orthographe d’après moi) ou Let it be qui sonne très bien en Inuktitut. Chanson de circonstance de laisser les gens vivrent leur indépendance et s’auto-déterminer comme ils veulent. C’était bien démontré par les enfants qui couraient partout et ne se gênaient pas pour aller faire leur première paroles ou rôts au micro. Ce qui dans le Sud aurait été matière à réprimande a été pris avec un sourire par Edward et la soirée se poursuivait.

Maintenant pour la danse, héhé, je sais ce que vous qui me connaissez vous dites. Ben qui danse comme une barre de fer dissociée en 2 parties, ça devait être drôle. Mais je me suis bien plû dans cette danse Inuit. Les gens souhaitant danser partent d’un bout de la pièce et dansent en ligne droite vers le mur opposé pour ensuite revenir vers le mur initial et reprendre ce manège...Une Innuk bien gentille m’a montrée et expliqué l’aspect de couple de cette danse. Le gars danse à côté de la fille et ils se rendent vers le mur puis avant de se retourner, l’autre gars prend la relève en tassant le premier gars. C’est là que j’explique le tout à Guilaume : ‘’Hey mon gars, faut que tu me pousse quand j’arrive au bout pour danser avec!’’ ‘’Ok men!’’. C’est là que Guillaume me plaque et va à côté d’elle. Elle se prend d’un fou rire et dit ‘’No, you don’t push like that!’’, ‘’He takes over your place!’’. Ah ok! Peu importe, on continue notre interprétation de cette compétition bien mâle héhé.

C’est ça de l’interculturalisme!

Demain Kangiqsujuaq! On reprend l'avion et go la fébrilité!!!!!!

Benjamin

vendredi 8 février 2013

Adapter les intérêts


Quand je demande ce que fais un ergothérapeute a une personne qui a un premier contact avec la profession, la réponse qui vient en premier – après le classique, ‘’c’est tu les pieds ça?’’ ou le ‘’c’est pas avec les physios ça?’’,  et finalement le très vulgarisé ‘’vous donnez des bébelles pour adapter vous?’’- .....finalement c’est pas la première réponse mais bon une réponse dans laquelle beaucoup de gens trouve un sens commun : on adapte. D’un certain point de vue, c’est vrai si on extrapole la définition d’adaptation. On traite l’humain en se concentrant sur comment il est en tant qu’entité.

Mais , qu’on soit ergo à Kuujjuaq au froid, au Cameroun ou en Haïti au chaud ou dans un établissement de santé du Sud dans une température qu’on peut pas trop qualifier parce que même un amnésique qui se réveille ne saurait dire dans quelle saison on est, on doit dans un nouveau milieu faire preuve d’adaptation. C’est une qualité que l’humain possède et qui a l’occasion peut être atteinte par l’aide d’un ergothérapeute.

Quand je suis arrivé à Kuujjuaq, j’avais ma personnalité et mes intérêts basé sur l’environnement dans lequel je vivais au Sud. Si j’avais maintenu mes routines et intérêts basés sur ce que je vivais au Sud, je serais probablement gelé dans un banc de neige à l’heure qu’il est. C’est pourquoi mes intérêts ont changé dans la manière ou je les met en pratique. C’est sûr que ce que je m’ennuie le plus est le temps passé avec mes proches, ma famille, mes amis, ma blonde mais je les retrouverai bientôt et je sais qu’eux vivent leurs intérêts dans le Sud. Alors, je me dis, allons découvrir ce qu’il y a à faire à Kuujjuaq.

 Contrairement à la croyance populaire, il y a moyen de mettre en pratique ses intérêts à Kuujjuaq! Suffit de chercher un peu et d’accepter de s’adapter à son nouvel environnement. Ça fera qu’on pourra même trouver des activités qu’on

Les activités sociales

Quoi de mieux que de passer du temps avec des gens. C’est possible à Kuujjuaq. Le fait que la communauté soit petite et que les gens se ramassent souvent aux mêmes endroits (le lounge, l’hotel de ville, le forum) crée un environnement convivial ou une sortie avec de nouvelles connaissances et collègues de travail est propice.

Les activités physiques

J’adore le frisbee. Alors moi et Guillaume en avons amené un ici. Le midi, qu’il fasse -40 ou -20, nous sortons dehors et mettons en pratique cet intérêt. Ça nous a d’ailleurs valu une nouvelle définition de ce que font les ergos : ‘’Ah, les ergos, vous vous jouez au Arctic Frisbee’’.

Pour ce qui est de la course. Il est certain qu’il est plus dur de courir dans la neige et que mon père n’est pas là pour que je cours à reculons pendant que lui me suis. Alors, je me dis, pourquoi est-ce que je fais de la course??? En fait, c’est le temps passer avec les gens et le sentiment que je fais du bien à mon corps en améliorant mon endurance. C’est pour ça que je fais ça. Il y a moyen de faire ça à Kuujjuaq, il y en a pour tous les goûts. Ceux qui aime le gym peuvent être servis par ça. Mais pour se remettre en forme, rien de mieux que d’aller se promener dans les paysages nordiques et montagnes de Kuujjuaq. Trop intense! Pas de problème, faisons une gradation d’activité. Au lieu d’aller marcher intensément dans les montagnes, juste le fait de se rendre à pied en stage en une demie-heure aller et retour constitue un bon moyen de garder la forme. Surtout que maintenant moi et Guillaume on a compris le trucs des pelures d’oignon et qu’on arrive pas comme des oignons qu’on a fait suer au stage maintenant.


La cuisine

La cuisine, comme l’a dit la directrice générale lors de notre pot-luck ce midi est le langage international des gens. C’est quelque chose que j’aime bien faire. Au début, je trouvais l’épicerie plate comparativement à une épicerie du Sud. Surtout que l’endroit ou je reste n’est pas pourvu de tous les ustensiles dont j’ai besoin. Mais je me suis demandé encore une fois pourquoi j’aime cuisiner...c’est pour créer quelque chose,  d’ajouter des saveurs et de partir de rien pour finir avec quelque chose qui est bon avec ce qu’on a autour et qui rend le monde content. C’est sûr qu’il y a moins de choix de produit mais, les gens qui travaillent ici et connaisse les rudiments du Nord ont leur moyen de s’adapter à ça :
-       Amener une boite bleue pleine de nourriture (ou d’épices et sauces comme on a fait), oui une grosse boite bleue
-       Demander au propriétaire de l’épicerie de leur commander des produits.; il est ouvert et le fera (il y a une industrie de sushis qui se vendent via Internet à Kuujjuaq)
-       Se présenter à l’épicerie le mercredi (c’est là que les allées sont pleines à cause de la livraison par avion)
-       Échanger, échanger et échanger sur la bouffe à Kuujjuaq parce que finalement, tout le monde vit la même situation (le potluck ce midi m’a bien montré les possibilités de faire de la bonne bouffe : des boulettes aux arachides, du caribou gelé comme dans la tradition Inuit! du seviche, du gateau au fromage maison, des jos louis maison)
-       Se faire inviter par un Inuit à chasser ou à manger (pas encore arrivé,  peut-être faut-il être ici plus longtemps pour recevoir ça)

Alors je résume, amenez vos ustensiles et batteries de cuisine et adaptez-vous à ici en utilisant votre environnement pour vous donner des trucs!

Télévision, lecture et tout

La télévision existe à Kuujjuaq avec tout ce qu’on a besoin mais il faut parfois attendre un peu avant de la recevoir. Une fois qu’on l’a on est bien content pour regarder le hockey. Si on veut regarder des films, on peut aller à l’hotel de ville ou il y a un programme double à chaque semaine! Vous savez, comme quand on allait au ciné-parc quand on était petit et qu’on restait pour les deux films. Aussi, comme l’Internet est trop lent pour regarder des émissions ou des bandes annonces, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a. J’ai amené quelque film mais encore une fois, comme tout le monde est dans la même situation, on peut en emprunter à des gens au travail. Sinon, on fait de la lecture. Pourquoi pas en Inuktitut? Ça par contre faut être resté plus longtemps

Et s’il manque de quoi à ta vie, bien commande le par Internet, le service de poste est excellent. ET tant qu’à avoir la poste et être à Kuujjuaq, pourquoi pas envoyer une carte postale de là avec une enveloppe faite par ton coloc? Toi qui lis, surveille ta boite aux lettres...

Et il y a plein d’activités qu’il n’y a pas au Sud à faire...à découvrir

Bref, le Nord, il y a des choses à faire et ceux qui sont ici depuis longtemps se sont adaptés et sont heureux. La preuve, ils se retrouvent tous la fin de semaine aux mêmes endroits et tout le monde parle à tout le monde. Peut-être plus dur au début mais au fil du temps, on développe les liens!

Benjamin

Le vouloir

Première révélation

Un jour quelqu'un m'a dit : « Qu'est-ce que tu veux mon vieux? Dans la vie, on fait ce qu'on peut, pas ce qu'on veut. »
Jamais je ne serai en accord avec cette affirmation. Dans le plus profond de mon être, même si je n'arrivais pas, jusqu'à tout récemment à mettre les mots sur les sentiments que je voulais dire à tant de gens, même si je ne savais pas comment faire pour que ma vie n'en fasse pas l'éloge, je n'ai jamais pu l'accepter et ne l'accepterai jamais.
En fait, j'ai appris, par mes expériences, par mes désirs, par mes souffrances, par mes études et par mes croyances que l'humain ne peut pas, ne doit pas et ne veut pas faire que ce qu'il peut et seulement ce qu'il peut. La volonté, c'est ce qui fait vivre, c'est ce qui motive l'espoir. Pourquoi chercher à se la cacher? Et n'est-ce pas vrai que ce qui oriente ce qu'on peut, les possibilités, ce sont les volontés?
Je crois comprendre que ce qui guide les Inuit dans leur vie, ce qui leur donne un sens, ce sont leurs volontés. Les volontés qu'ils acceptent d'écouter en eux.

Deuxième révélation

Dans la plus intrigante région du Québec, là où pour s'y rendre, la planification est essentielle, nous sommes à écrire le résumé de nos observations et de notre recherche.

J'ai fais un constat. Comment m'est-il arrivé? Est-ce lorsque nous avons reçu la visite nocturne d'une Inuk en mal de vivre? Est-ce lorsque j'ai terminé la lecture de La rivière sans repos de Gabrielle Roy? Était-ce pendant que je m'amusais dans la neige avec deux jeunes Inuit inconnus rencontrés en haut de la butte, à côté de la Régie? Ou quand nous avons rencontré une dame du gouvernement régional, après avoir demandé à la porte si quelqu'un pouvait nous informer sur les associations d'aînés?

J'ai compris qu'au Nunavik, planifier signifie prévoir. Prévoir, dans le sens de « penser à », mais pour le futur.

Au sud, quand on planifie, on écrit. On écrit dans notre agenda, dans une liste, sur un coin de papier déchiré ou, à la rigueur, sur notre éminence thénar (le petit muscle situé sous le pouce, qui durcit quand on pince la joue de son neveu). On écrit parce qu'on ne veut pas oublier. Rien de plus normal de ne rien vouloir oublier. À 6h25, il faut se réveiller. À 7h10, il faut déposer son enfant à la garderie. À 7h30, il faut avoir commencé à travailler. À 12h00, il faut manger. À 15h40, à la garderie, à l'épicerie. À 16h30, faire le repas, le lavage, le ménage, la vaisselle en se dépêchant parce qu'à 19h00, c'est Unité 9... C'est normal d'avoir peur d'oublier une rencontre avec un étudiant en agrothérapie (ou peut-être était-ce ergo?). On a pas le temps de se poser la question, si c'est écrit à 14h30, on est là et prêt à 14h25.

Au nord, quand on planifie, on ne l'écrit pas, on n'oublie pas. On sait que ça va arriver, mais à quelle heure, on s'en fou. Tout est toujours fonction du temps qu'on a eu pour s'occuper de ses parents et de ses enfants, de son niveau de fatigue et de la température. Ce qu'on sait, par contre, c'est que ça va arriver, on en doute pas. Alors, qu'on manque un rendez-vous, ce n'est pas ce qui va empêcher qui que ce se soit de vivre.

Maintenant, quand nous, les intrus en ce pays, apportons notre bois et notre béton pour construire un hôpital et que nous installons un de nos blancs dans sa tour d'ivoire pour le surveiller avec des horaires de travail coupées au couteau, il arrive que des frictions inter-ethnies se développent.

Conclusion

J'aime bien ces valeurs Inuit, je crois que je m'y retrouve bien. Comptez sur moi pour vous les imposer à mon retour, chers défenseurs de la montre, du chronomètre, de l'agenda et du rendement.

Une autre de mes volontés? Ne serait-ce qu'une fois, pouvoir prendre encore la 12 de 7h15.

Ah oui, et qu'on arrête de me dire qu'on a pas les moyens de se payer de l'éducation quand on a les moyens de pont à payage, de centrale à Val-Jalbert, d'amphithéatre, de faire 50 000 kilomètres par année, d'en faire faire trois fois plus au matériel qu'on s'importe des États-Unis, de chauffer à 26°, d'aller 4 fois par année dans le sud et de se payer des médecins à 150 000$ par année. Pour vrai, arrêtes.

Guillaume

jeudi 31 janvier 2013

La guerre des perspectives

Aujourd’hui, nous avons rencontré un M. travaillant dans un organisme à but non lucratif au Nunavik. Il nous a mentionné que lorsqu’il est arrivé il y a 4 ans à la tête de l’organisme, il y avait deux entités dans son bâtiment. D’un côté, c’était le côté Inuit et de l’autre côté, c’était le côté Blanc. Du côté Inuit, le bâtiment était extrêmement sale car ceux-ci ne se présentaient pas au travail alors que de l’autre côté, il était propre car les Blancs, qallunat, avec leur perspective sur les horaires du Sud, étaient habitués de se présenter en faisant du 9 à 5 à tous les jours.

Il s’est questionné sur la raison pour laquelle ceux-ci ne se présentaient pas au travail?

Pour comprendre ceci, je vous partage un survol des valeurs Inuits qui découle de mes lectures. D’abord, l’indépendance. Les Inuits mettent l’accent sur la liberté de chacun de choisir ce qu’il veut faire et quand il veut le faire. Dans leur culture, une personne qui annule un rendez-vous à la dernière minute n’est pas imputable de se faire parler dans le dos. Au même titre, on verra au Nunavik des enfants jouer à l’extérieur à des heures tardives durant la semaine. Ceci découle de cette valeur mais également du fait que l’enfant est la réincarnation d’un aîné décédé récemment (pas préconisé par tout le monde comme croyance mais encore présent) ce qui fait que de lui dire quoi faire serait une atteinte à son indépendance. Deuxièmement, très proche, il y a la non-interférence. Le fait de donner un horaire constitue de l’interférence dans l’optique ou c’était comme si on imposait quelque chose à une personne qui n’est pas présente. Une autre forme de manque de respect à la non-interférence serait de poser des questions à un tiers sur un a Inuit qui n’est pas présent. Ensuite, il y a les positions d’autorité. Certains Inuit perçoivent que les gens en position d’autorité prennent des décisions sur une base personnelle. Ainsi, les organigrammes dans les organisations ne sont pas nécessairement quelque chose auxquels ils se sont tous adaptés. L’autorité entre également en conflit avec l’indépendance puisqu’elle attaque directement le sentiment d’auto-détermination des gens. Comme chez nous, les valeurs sont plus ou moins partagées par tous mais j’observe quand même dans le petit échantillon qu’est Kuujjuaq –chaque village au Nunavik est différent- et suivant mes discussions avec plusieurs travailleurs que ces valeurs leur sont chères. Ainsi, il est important, conformément à l’ergothérapie, de se rappeler que chaque personne est unique. Autre point qui a été soulevée durant cette rencontre avec notre interlocuteur et qu’on ne doit jamais oublier est que nous ne sommes pas chez nous. Il faut adapter notre vision des services offerts et notre approche en fonction de la population ici.

Toutes ces valeurs expriment pourquoi un horaire de travail ne fonctionne pas avec certains Nunavimmiuts. Ainsi, ce que notre interlocuteur a fait lorsqu’il est arrivé a été, en premier lieu, de joindre les deux bâtiments. Ensuite, il a commencé par faire un horaire pour la semaine…sans succès. Pour le mois…sans succès. Pour l’année…sans succès. Il a ensuite tenté quelque chose. Les Blancs écrivaient leur horaire et les Inuit prenaient les heures restantes. De plus, il a expliqué à ces travailleurs, non pas qu’ils auraient des sanctions, mais l’impact que leur absence avait sur lui. Ils comprennent que ceci est en quelque sorte une atteinte de son indépendance. Ceci a augmenté l’assiduité et graduellement le nombre d’heure de travail. Je peux vous dire que nous avons vu deux travailleurs Inuit aujourd’hui dans cet établissement et ils riaient avec les résidents. Le tout avait l’air très familial.

C’est par petit pas que ceci est arrivé. De plus, M. nous a expliqué que lorsque quelqu’un manque plusieurs fois, il commence par se requestionner lui sur ce qu’il pourrait faire en tant que ‘’responsable’’ de la ressource pour que cette personne revienne travailler. En effet, il nous a dit que lorsqu’il engage quelqu’un, c’est qu’il a vu quelque chose en cette personne. Il y a dû y avoir quelque chose qui a changé la relation de cette personne avec son travail et qui explique son absence.

Suite à cette rencontre intéressante, nous avons été dans un autre bâtiment tout près. Nous avons gardé ceci en tête et nous sommes dit que pour développer des relations avec les usagers du bâtiment, nous devions revenir de temps en temps en étant d’abord des mouches sur le mur puis graduellement, de faire partie du quotidien des gens.

Ensuite, on remet notre casque de coureur des bois et notre attirail et  ensuite.

4 personnes venant du Sud débarquent et entre dans le bâtiment à la manière d’un éléphant ataxique ayant de la chorée dans un magasin de porcelaine avec des allées de 2 pieds de large.
Ils disent aux gens : Bon bien, on vient observer comment vous travaillez ici et comment ça fonctionne. Faites nous faire le tour et on va demander aux employés comment ça va après.

La non-compétence culturelle en action. La frustration. Le dégoût. L’acceptation. La réalisation qu’ils viennent du Sud et sont arrivé avec leur cadre sans tenir compte du fait que ce n’est pas chez eux.

Benjamin