Première révélation
Un jour quelqu'un m'a
dit : « Qu'est-ce que tu veux mon vieux? Dans la vie, on
fait ce qu'on peut, pas ce qu'on veut. »
Jamais je ne serai en
accord avec cette affirmation. Dans le plus profond de mon être,
même si je n'arrivais pas, jusqu'à tout récemment à mettre les
mots sur les sentiments que je voulais dire à tant de gens, même si
je ne savais pas comment faire pour que ma vie n'en fasse pas
l'éloge, je n'ai jamais pu l'accepter et ne l'accepterai jamais.
En fait, j'ai appris,
par mes expériences, par mes désirs, par mes souffrances, par mes
études et par mes croyances que l'humain ne peut pas, ne doit pas et
ne veut pas faire que ce qu'il peut et seulement ce qu'il peut. La
volonté, c'est ce qui fait vivre, c'est ce qui motive l'espoir.
Pourquoi chercher à se la cacher? Et n'est-ce pas vrai que ce qui
oriente ce qu'on peut, les possibilités, ce sont les volontés?
Je crois comprendre que
ce qui guide les Inuit dans leur vie, ce qui leur donne un sens, ce
sont leurs volontés. Les volontés qu'ils acceptent d'écouter en
eux.
Deuxième révélation
Dans la plus intrigante
région du Québec, là où pour s'y rendre, la planification est
essentielle, nous sommes à écrire le résumé de nos observations
et de notre recherche.
J'ai fais un constat.
Comment m'est-il arrivé? Est-ce lorsque nous avons reçu la visite
nocturne d'une Inuk en mal de vivre? Est-ce lorsque j'ai terminé la
lecture de La rivière sans repos de Gabrielle Roy? Était-ce
pendant que je m'amusais dans la neige avec deux jeunes Inuit
inconnus rencontrés en haut de la butte, à côté de la Régie? Ou
quand nous avons rencontré une dame du gouvernement régional, après
avoir demandé à la porte si quelqu'un pouvait nous informer sur les
associations d'aînés?
J'ai compris qu'au
Nunavik, planifier signifie prévoir. Prévoir, dans le sens de
« penser à », mais pour le futur.
Au sud, quand on
planifie, on écrit. On écrit dans notre agenda, dans une liste, sur
un coin de papier déchiré ou, à la rigueur, sur notre éminence
thénar (le petit muscle situé sous le pouce, qui durcit quand on
pince la joue de son neveu). On écrit parce qu'on ne veut pas
oublier. Rien de plus normal de ne rien vouloir oublier. À 6h25, il
faut se réveiller. À 7h10, il faut déposer son enfant à la
garderie. À 7h30, il faut avoir commencé à travailler. À 12h00,
il faut manger. À 15h40, à la garderie, à l'épicerie. À 16h30,
faire le repas, le lavage, le ménage, la vaisselle en se dépêchant
parce qu'à 19h00, c'est Unité 9... C'est normal d'avoir peur
d'oublier une rencontre avec un étudiant en agrothérapie (ou
peut-être était-ce ergo?). On a pas le temps de se poser la
question, si c'est écrit à 14h30, on est là et prêt à 14h25.
Au nord, quand on
planifie, on ne l'écrit pas, on n'oublie pas. On sait que ça va
arriver, mais à quelle heure, on s'en fou. Tout est toujours
fonction du temps qu'on a eu pour s'occuper de ses parents et de ses
enfants, de son niveau de fatigue et de la température. Ce qu'on
sait, par contre, c'est que ça va arriver, on en doute pas. Alors,
qu'on manque un rendez-vous, ce n'est pas ce qui va empêcher qui que
ce se soit de vivre.
Maintenant, quand nous,
les intrus en ce pays, apportons notre bois et notre béton pour
construire un hôpital et que nous installons un de nos blancs dans
sa tour d'ivoire pour le surveiller avec des horaires de travail
coupées au couteau, il
arrive que des frictions inter-ethnies se développent.
Conclusion
J'aime bien ces valeurs
Inuit, je crois que je m'y retrouve bien. Comptez sur moi pour vous
les imposer à mon retour, chers défenseurs de la montre, du
chronomètre, de l'agenda et du rendement.
Une autre de mes
volontés? Ne serait-ce qu'une fois, pouvoir prendre encore la 12 de
7h15.
Ah oui, et qu'on arrête
de me dire qu'on a pas les moyens de se payer de l'éducation quand
on a les moyens de pont à payage, de centrale à Val-Jalbert,
d'amphithéatre, de faire 50 000 kilomètres par année, d'en faire
faire trois fois plus au matériel qu'on s'importe des États-Unis,
de chauffer à 26°, d'aller 4 fois par année dans le sud et de se
payer des médecins à 150 000$ par année. Pour vrai, arrêtes.
Guillaume
Moi, je me reconnais dans ces valeurs tu sais.
RépondreSupprimerMerci.
Tu verras, le désir de les garder sera très profond à ton retour au pays.
Plus profond que j-a-m-a-i-s.
C'est ça le choc culturel que j'ai vécu à mon retour de Port-au-Prince ...
Voilà, maintenant tu peux comprendre.
Un choc en lien avec les valeurs que j'avais depuis mon enfance.
Pas le choc post-trauma PAP ...
Le trauma de notre société.
Peur, angoisse, insomnie, interrogations, dégoût.
Seuls les gens 'trop' sensibles, 'trop' humains, les passionnés, les intenses ... et les psy (!) savaient de quoi je parlais
v-r-a-i-m-e-n-t !
On ne peut le comprendre profondément tant qu'on ne l'a pas vécu profondément, intensément.
Ma conclusion
Partage-le. Vis-le. Crois-le.
Tu dealeras bien avec le reste ...
J'ai réussi.
dan
Voyons j'ai de la brume dans mes lunettes. Voyons, j'ai pas de lunettes.
RépondreSupprimerT'écris donc ben bien, toi, espèce de grand sensible. Je suis toute émotionnée, là.
Quand j'étais petite, ma mère me cassait les oreilles avec sa phrase "on a toujours le choix dans la vie". Aujourd'hui, je réalise que c'est un bel héritage. Parce que dans ces choix quotidiens, il peut y avoir celui de relations humaines vraies et respectueuses, et de temps... Tes réalisations m'ont fait penser à ça...
Grâce à toi et ta première phrase chroniquante, j'ai eu une toune de Claude Dubois dans la tête toute la journée ("j'aurais voulu être un artiiiiiiiiiiste").
Je garde une place dedans la douze pour votre fessier royal Majesté Rivard.
kaxx