jeudi 31 janvier 2013

La guerre des perspectives

Aujourd’hui, nous avons rencontré un M. travaillant dans un organisme à but non lucratif au Nunavik. Il nous a mentionné que lorsqu’il est arrivé il y a 4 ans à la tête de l’organisme, il y avait deux entités dans son bâtiment. D’un côté, c’était le côté Inuit et de l’autre côté, c’était le côté Blanc. Du côté Inuit, le bâtiment était extrêmement sale car ceux-ci ne se présentaient pas au travail alors que de l’autre côté, il était propre car les Blancs, qallunat, avec leur perspective sur les horaires du Sud, étaient habitués de se présenter en faisant du 9 à 5 à tous les jours.

Il s’est questionné sur la raison pour laquelle ceux-ci ne se présentaient pas au travail?

Pour comprendre ceci, je vous partage un survol des valeurs Inuits qui découle de mes lectures. D’abord, l’indépendance. Les Inuits mettent l’accent sur la liberté de chacun de choisir ce qu’il veut faire et quand il veut le faire. Dans leur culture, une personne qui annule un rendez-vous à la dernière minute n’est pas imputable de se faire parler dans le dos. Au même titre, on verra au Nunavik des enfants jouer à l’extérieur à des heures tardives durant la semaine. Ceci découle de cette valeur mais également du fait que l’enfant est la réincarnation d’un aîné décédé récemment (pas préconisé par tout le monde comme croyance mais encore présent) ce qui fait que de lui dire quoi faire serait une atteinte à son indépendance. Deuxièmement, très proche, il y a la non-interférence. Le fait de donner un horaire constitue de l’interférence dans l’optique ou c’était comme si on imposait quelque chose à une personne qui n’est pas présente. Une autre forme de manque de respect à la non-interférence serait de poser des questions à un tiers sur un a Inuit qui n’est pas présent. Ensuite, il y a les positions d’autorité. Certains Inuit perçoivent que les gens en position d’autorité prennent des décisions sur une base personnelle. Ainsi, les organigrammes dans les organisations ne sont pas nécessairement quelque chose auxquels ils se sont tous adaptés. L’autorité entre également en conflit avec l’indépendance puisqu’elle attaque directement le sentiment d’auto-détermination des gens. Comme chez nous, les valeurs sont plus ou moins partagées par tous mais j’observe quand même dans le petit échantillon qu’est Kuujjuaq –chaque village au Nunavik est différent- et suivant mes discussions avec plusieurs travailleurs que ces valeurs leur sont chères. Ainsi, il est important, conformément à l’ergothérapie, de se rappeler que chaque personne est unique. Autre point qui a été soulevée durant cette rencontre avec notre interlocuteur et qu’on ne doit jamais oublier est que nous ne sommes pas chez nous. Il faut adapter notre vision des services offerts et notre approche en fonction de la population ici.

Toutes ces valeurs expriment pourquoi un horaire de travail ne fonctionne pas avec certains Nunavimmiuts. Ainsi, ce que notre interlocuteur a fait lorsqu’il est arrivé a été, en premier lieu, de joindre les deux bâtiments. Ensuite, il a commencé par faire un horaire pour la semaine…sans succès. Pour le mois…sans succès. Pour l’année…sans succès. Il a ensuite tenté quelque chose. Les Blancs écrivaient leur horaire et les Inuit prenaient les heures restantes. De plus, il a expliqué à ces travailleurs, non pas qu’ils auraient des sanctions, mais l’impact que leur absence avait sur lui. Ils comprennent que ceci est en quelque sorte une atteinte de son indépendance. Ceci a augmenté l’assiduité et graduellement le nombre d’heure de travail. Je peux vous dire que nous avons vu deux travailleurs Inuit aujourd’hui dans cet établissement et ils riaient avec les résidents. Le tout avait l’air très familial.

C’est par petit pas que ceci est arrivé. De plus, M. nous a expliqué que lorsque quelqu’un manque plusieurs fois, il commence par se requestionner lui sur ce qu’il pourrait faire en tant que ‘’responsable’’ de la ressource pour que cette personne revienne travailler. En effet, il nous a dit que lorsqu’il engage quelqu’un, c’est qu’il a vu quelque chose en cette personne. Il y a dû y avoir quelque chose qui a changé la relation de cette personne avec son travail et qui explique son absence.

Suite à cette rencontre intéressante, nous avons été dans un autre bâtiment tout près. Nous avons gardé ceci en tête et nous sommes dit que pour développer des relations avec les usagers du bâtiment, nous devions revenir de temps en temps en étant d’abord des mouches sur le mur puis graduellement, de faire partie du quotidien des gens.

Ensuite, on remet notre casque de coureur des bois et notre attirail et  ensuite.

4 personnes venant du Sud débarquent et entre dans le bâtiment à la manière d’un éléphant ataxique ayant de la chorée dans un magasin de porcelaine avec des allées de 2 pieds de large.
Ils disent aux gens : Bon bien, on vient observer comment vous travaillez ici et comment ça fonctionne. Faites nous faire le tour et on va demander aux employés comment ça va après.

La non-compétence culturelle en action. La frustration. Le dégoût. L’acceptation. La réalisation qu’ils viennent du Sud et sont arrivé avec leur cadre sans tenir compte du fait que ce n’est pas chez eux.

Benjamin

La quotidienneté

- Miroir, miroir, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle, dis-je ce matin en me levant, le regard fixé dans ce qui semblait bien être mon propre regard, me fixant.

- En cherchant à la ronde, partout dans le Nunavik et dans tout le vaste monde, on ne trouve pas plus belle que toi, me répondit mon miroir, alors que je me mirais, ou plutôt que mon reflet me mirait.

Et bien soit. Ne cherchant plus à me faire d'éloge, je partis affronter mon destin, mon bagage sur le dos de mon porteur et mes raquettes aux pieds.

- Que vous êtes jolis! Que vous me semblez beaux! Sans mentir, si vos talents se rapportent à vos rendements, vous êtes inégalables. Ici, vous devriez travailler.

Que de compliments de la part de nos supérieurs, nous pourrions nous en contenter. Pourtant, tant de démarches nous avons entreprises.

- Il y a tant d'opportunités d'emploi ici, c'est facile de gravir les échelons. En plus, les conditions de travail sont superbes. Quand on y pense, c'est si triste de se dire que ce n'est pas vrai pour tout le monde. Ce n'est tellement pas vrai que c'est exactement pour cette raison que nous sommes ici...

Or ici, tant bien que mal, les gens se battent pour un avenir. Peut-on en vouloir à ceux qui croient que c'est leur culture qui l'incarne? Ou encore à ceux qui le voit dans ce qu'on appelle au sud l'évolution?

Dans le fond, à quelle fin sommes-nous ici? J'espère que les centres de jour que nous cherchons à mettre sur pied pourront permettre à ces gens d'ici de veiller sur eux-mêmes, par eux-mêmes, en harmonie avec leur culture. Et je désire que l'outil que nous voulons donner aux communautés n'en devienne pas un d'assimilation pour l'autre nation. Cherchons-nous, par notre projet, à maintenir l'emprise d'une nation sur une autre? Je souhaite de tout mon cœur que ce ne soit pas le cas.

Notre projet? Étude du centre de jour de Kuujjuaq, incluant l'étude des établissements en contact avec le centre de jour, ainsi que l'étude des activités sociales du village, agrémenté de l'étude des moyens de promotions possibles dans le village. Nous restera à reprendre nos démarches dans les deux communautés visées, Kangiqsujuaq et Puvirnituq. Parce que c'est ce qui nous a été demandé : analyser et planifier la mise sur pied de centres de jour dans ces deux villages.

Mission impossible? Ne sommes-nous pas inégalables?

Et le soir.
- Reine Rivard, tu étais la plus belle, mais Blanche neige au pays du sud, au-delà des monts, bien loin, est aujourd’hui une merveille.

J'enverrai donc un agent de la GRC enquêter directement sur les lieux. Ne sait-on jamais, peut-être la retrouverait-il dans un lieu inusité, une grève ou un autobus. Et quand je l'aurai trouvée, je le promets, je ne l'oublierai pas.

Voilà la quotidienneté.

Sa Majesté,

Reine Rivard

dimanche 27 janvier 2013

Situation de survie: solution, survivre

De jeudi matin dernier à vendredi soir dernier, nous avons manqué d’eau à notre maison de Kuujjuaq. Nous avons passé par une gamme d’émotions auxquelles on ne peut rendre justice en gardant notre personnalité typique. C’est pourquoi nous avons choisi de raconter cette histoire en prenant les traits d’une personne mal adaptée pour ladite situation. Voici la panne d’eau à Kuujjuaq à la manière de Bear Grylls (Personnage de l'émission Seul contre la nature dans lequel on apprend comment survivre dans des conditions extrêmes).

Jeudi matin, mon cadran sonne, je sursaute. Ça fait déjà 14 minutes 37 secondes que je suis réveillé, mais j'ai oublié d'arrêter mon cadran avant qu'il ne sonne, comme je fais habituellement. Ce bruit est beaucoup trop agaçant...

En fait, j'avais senti des éléments inhabituels dans la maison ce matin, c'est pourquoi je me suis éloigné de mes habitudes.

Pour survivre le matin, il est très important de bien écouter la maison.

Lorsque je suis sorti de ma chambre, avant que mon cadran ne sonne, j'avais entendu dans les tuyaux de la maison que bientôt, il arriverait un malheur. Lorsque je suis sorti de ma chambre, après que mon cadran ait sonné, je me rends immédiatement à la toilette, en prenant le temps, bien entendu, de vérifier que la porte d'entrée n'a pas été forcée, que les fenêtres n'ont pas été bougées pendant la nuit et que l'anse de ma tasse de café est restée dans la même orientation que celle dans laquelle je l'avais laissé hier. Orientation qui me permet, le matin, de connaître l'heure exacte grâce à l'ombre du soleil, dans le cas où nous aurions manqué d'électricité pendant la nuit.

Il est toujours bon d'avoir une solution de rechange pour se repérer dans le temps.

Je vais donc prendre ma douche et en sortant, comme je l'avais deviné : une épreuve. Le bouton orange, indiquant un manque d'eau dans la maison est allumé.

Dans ces moments, le stress ne doit pas nous envahir, il faut prendre le temps de réfléchir aux solutions qui s'offrent à nous.

Je me rends à la cuisine, il reste un peu d'eau dans les fonds de chaudron que je pourrai utiliser pour mon café, je n'aurai qu'à la filtrer à travers mon chandail. Je pourrai ainsi manger également mon restant de patates pilés que je n'aurais pu récupérer autrement.

Lorsqu'une situation d'urgence comme celle-ci se présente, il faut toujours se faire des réserves d'énergie.

Je pars pour le travail. Je me brosserai les dents au bureau. Par chance, les services de remplissage des maisons est assez efficace pour qu'on ait de l'eau ce soir. Pas de chance, à mon retour, toujours pas d'eau. J'avais quand même tout prévu. Je remplis donc mes chaudrons avec la neige que j'avais conservé dans mon entrée, en prévision.


La neige, lorsqu'elle est chauffée dans un chaudron, se transforme en eau. C'est pourquoi elle peut être essentielle à notre survie dans toute situation.

Bear Grylls

Signalement de deux dividus: une fable de Claude Poirier sur l'absence d'eau


De jeudi matin dernier à vendredi soir dernier, nous avons manqué d’eau à Kuujjuaq. Nous avons passé par toute une gamme d’émotions auxquelles on ne peut rendre justice en gardant notre personnalité typique c’est pourquoi nous avons choisi de chacun raconter cette histoire en prenant les traits d’une personne beaucoup trop intense pour ladite situation. Voici la panne d’eau à Kuujjuaq selon Claude Poirier.

7hrs30, la lumière rouge s’allume. Non mais au 22e siècle y as-tu encore des places ou cque l’eau dépend de si une lumière fonctionne? On est pas au Cardamone ou Garam Masala icitte quand même??? Pis c’t’affaire l’eau est pas encore revenue le soir même.

On m’a envoyé grâce à mes contacts le signalement du responsable.

Y s’agirait d’un camion jaune qui se promène avec un objet contindant vert qui entre dans ta maison pis qui est attiré par les lumières rouges. Y paraît qui transporterait toute l’eau de la ville (en fait Claude c’est le camion citerne jaune rempli d’eau qui a un tuyau vert et qui vient remplir ton eau si la lumière rouge est allumée).

D’après le portrait robot, ce serait un homme qui était deux qui a des cheveux, porte un manteau, habite dans une maison et se promène à l’extérieur.

Les 2 dividus sont sortis avec un sac plus lourd qu’à l’habitude. Y avait de quoi de suspect parce que leur brosse à dent étaient pas dans la salle de bain de chez eux. C’est là que j’ai appelé le répondeur de mon bon chum au SP Kuujjuaq qui m’a dit que ils avaient entendu des pas dans la neige dans la ville durant la journée.

C’est vers 17hrs30 que les deux dividus ont fait une pénétration par effraction dans la maison pour se rendre compte que le crime avait été perpétuité. Mes infos me disent qui en a un dont on m’a envoyé le portrait robot qui a été vu à maltraiter 100cm3 de neige avec un chaudron contenant du métal. Il paraitrait d’après Mme Gélinas de la 3e maison à gauche de la rue de la Montagne à Hochelaga qu’à s’est rendu compte que le criminologue était en train de la chauffer la neige. Non mais aujourd’hui avoir encore des crimes comme ça, ça l’a pas de bon sang. On se croirait en Euthanasie…

On est pas sûr de ce qui ont fait avec la neige mais le lendemain, Mme Bélanger de Verdun m’a dit qui en avait pu d’eau dans les chaudrons pis qui l’auraient intégré. Ah oui, on recherche toujours la lumière rouge à part de ça.

J’espère que le criminel qui a fait ça se regardera dans le miroére pis aura la décence de se livrer à la police.

Je suis Claude Poirier, le vrai négociateur.

10-4

mercredi 23 janvier 2013

Le blizzard

La fois où je suis resté pris trois jours au lac Gabriel, l'autre fois où il a fallu arrêter notre randonnée de ski de fond, quand l'avion pouvais pas partir d'Aupaluk, y paraît que quand tu mets ta main devant toi, tu la vois pu, j'ai entendu dire que quelqu'un est mort à 100 mètres de chez lui, il pouvait pu se retrouver, ben voyons, t'es fou de prendre ton char, éloigne-toi pas trop des maisons, au cas où, on peut tu partir boss, c'est un white out, j'ai jamais vu ça depuis 4 ans, il y en a pas tellement à Kuujjuaq, on est trop dans le sud, tabarnouche, il fait dont ben blanc, tu t'en vas à pied, arrêtes je vais aller te reconduire, apparamment que 3 personnes ont pris le champ, ils ont toutes fermés, l'hôpital offre même plus de services clients, si t'es chanceux, tu vas voir à Kangiqsujuaq, ya pas d'arbre là-bas, pis en plus, t'es sur le bord de la baie, le vent y rentre en écoeurant, coudon il y a donc bin de la neige dans notre porte d'entrée, une journée de même, je la passerais dans le lit, collé sur ma blonde, chu tu dans rue là, c'est de valeur, je serais aller fumer, mais je suis même pas capable d'allumer mon lighter, c'est drôle depuis les réchauffements climatiques, je pensais qu'il y en aurait pu icitte, tu penses tu que le Nuviq'Vi est ouvert, c'est pas si pire, ça duré une demi journée, à Quaqtaq j'ai déjà vu 5 jours sans arrêt, chérie me rappellerais-tu ce qu'il y avait de l'autre côté de la rue, il y a donc bin de la buée dans mes lunettes.

Le blizzard.

Je m'attendais à pire.

C'est vrai que de voir la neige tomber à l'horizontal, ça impressionne. Surtout la première fois. N'empêche que la neige tombe à l'horizontal entre Les Boules et Matane aussi, pour n'avoir pu l'observer que de là en Gaspésie. « Mais ça, c'est un blizzard moyen. » Ah bon, il y a des catégories de blizzard aussi! Est-ce vous en avez aux smarties?

C'est sûr, quand il faut déneiger son auto pour se rendre au travail, faut le faire vraiment vite, parce que c'est pas long que c'est à recommencer. Ça peut être tanant. Mais quand on marche, qu'on a une boussole, quelques collations, qu'on est bien habillé et qu'on est pas pressé, pourquoi je me soucierais de la neige sur les autos. D'ailleurs, la personne, celle qui m'a répondu « des fois, on a des choses à transporter » quand je lui ai demandé à quoi ça servait une auto dans un village où les deux points les plus éloignés sont distants de 2 km, elle ne m'a pas convaincu du tout.

En fait, quand nous sommes allés au centre de jour, je trouvais qu'il faisait même plutôt chaud... dans mon manteau.

C'est bon de se sentir utile dans la vie. C'est probablement ce qui m'a fait apprécier ma visite du centre de jour. Enfin, comprendre réellement notre rôle ici et, tant qu'à y être, faire le remoulage de l'orthèse tibiale d'une personne qui a une plaie de frottement sur sa malléole externe droite, due à une inversion et une rotation interne du pied. Et sentir qu'on est pas dans le Sud quand on constate qu'on est en train de tremper un morceau de plastique qui sent le jus de pied dans un chaudron d'eau qu'on fait chauffer entre deux poêlons où cuisent des pains traditionnels inuit.

C'est ça le Nord.

Guillaume

Inflation alimentaire


Lorsque j’ai su que je partais au Nunavik, la plupart des gens me disaient que j’allais devoir capturer du phoque ou du béluga si je ne voulais pas avoir à payer des épiceries en cassant ma carte de crédit. Une fois arrivé à Kuujjuaq, je me suis rendu compte de beaucoup de chose sur la situation alimentaire…

D’abord, je remets en perspective ce qui se passe pour qu’un aliment arrive à Kuujjuaq. Prenons un classique qui apparaît comme si simple au Sud pour arriver sur notre table et qu’on trouve dans chaque maison…une pomme. Une fois emballée, elle est envoyée dans des gros conteneurs soit par bateau ou par avion, deux seuls modes de transport pour se rendre à Kuujjuaq. Pour le premier mode de transport, la saison est l’affaire de quelque mois ce qui limite les livraisons à l’avion… plus cher. Souvent, quand ça vient du bateau, ils offrent des rabais et écrivent Sealift sur les emballages. De plus, les livraisons ne se font pas chaque jour ce qui fait qu’on peut se retrouver pendant quelques jours (parfois 1 semaine) avec un tiers d’allée d’épicerie vide sans savoir quand elle se remplira. Voici un exemple de cette situation :

En arrivant ici, nous avons été faire notre épicerie et il ne restait plus de pain à l’épicerie. On s’est donc fait notre bonne banique maison durant la semaine et la semaine suivante, vous l’avez deviné, une collègue toute contente vient nous voir et nous dit : hey ils nous ont livré du pain. On remarque à ce moment une augmentation de l’achalandage à l’épicerie et on voit déjà des gens sortir avec 2-3 pains plein les bras. Une fois rentré dans l’épicerie, il reste encore plein de pain et j’en prends un et regarde la date sur l’attache de sûreté : 16 janvier. Le seul hic est que nous étions le 19 janvier…Certes, on aurait pu le congeler mais on a décidé de continué à faire notre banique.

Pour la base des aliments contenus dans un garde-manger ainsi que la viande, on peut trouver tout ce qu’il faut à l’épicerie. Cependant, le roulement des fruits et légumes est variable ce qui fait qu’une semaine il peut y avoir des pommes et l’autre pas. Par contre, on trouve toujours des patates et il y a une grande section de légumes congelés. Les prix ne sont toutefois pas toujours ce à quoi on est habitué. Voici des exemples de prix à Kuujjuaq. Comparez-les avec ceux de votre épicier pour voir si vous devez changer!


Prix ($)
Palette de bœuf de 0.750kg
12
Farine Robin Hodd 2.5kg
7.19
Lait de Soya
5.62
Champignons tranchés (la boîte rectangulaire petite)
5.99

Les réalités de la position géographique ainsi qu’économique du Nunavik font que selon une étude de 2011, la variation exacte avec le reste du Québec est de 57%!

Benjamin

samedi 19 janvier 2013

L'aurore

À l'église, une messe.
Un décès dans la communauté fait mettre les drapeaux de tout le village en berne et fait s'arrêter de fonctionner à peu près tous les services. « Les Inuit, quand on leur donne un emploi, ils peuvent se présenter ou non. C'est que la famille est plus importante que tout pour eux. » J'en connais au Sud qui dirait la même chose avant d'affronter la tempête du siècle pour gagner les précieux sous qui vont leur permettre de la montrer à leur famille, l'importance.

Nous entrons, l'église est pleine. Des gens de tous les âges.
Beaucoup de paroles nous échappent, mais peu de sentiments. Selon certains, les légendes Inuit racontent qu'après le décès d'une personne, son âme monte au ciel de manière plus ou moins impressionnante, en fonction de sa sagesse, et se transforme pour se réintégrer dans le corps d'un des enfants qui naîtra bientôt dans la communauté. Malgré tout, l'émotion vibre dans la grande salle, le départ d'une personne primée est difficile.

Nous regardons le dépliant nécrologique. Mme Lizzie Saunders est décédée cette semaine dans un hôpital du Sud. C'était une Inuk de Kuujjuaq.
Les soins de santé au Nord sont peu spécialisés. Si l'hôpital qui dessert les villages de la baie d'Ungava est plein, ou qu'il ne peut fournir les soins spécialisés requis, la personne est transférée au Sud, sans sa famille. Et ceux qui travaillent à l'hôpital ou à la régie n'y sont pour rien. Ce sont des combattants qui cherchent plus que tout à améliorer le sort des gens du Nunavik. Ils ont ce charme des gens qui ont vécu la misère et qui font tout pour qu'elle n'existe plus jamais, en vain. Et de leur cœur émane leur sourire. Il n'y en a qu'un seul au Sud qui me donne plus envie de rêver.

« Qallunaat. » Un vieil homme nous croise et plutôt que de nous saluer, nous traite de blancs.
Il faut dire que la présence de blancs à Kuujjuaq, depuis les débuts du 19e siècle, n'a pas fait que des heureux. Au Canada, la Loi sur les Indiens, de 1876, a permis entre autres, de créer les pensionnats indiens, pour permettre de remettre les indiens sur la bonne foi... Autour de 1950, considérés dérangeants, plus de 2000 chiens Inuit ont été abattus au Nunavik par les autorités. Pendant la guerre froide, l'armée américaine a utilisé les terres de l'actuel village pour un poste de prévention d'attaque nordique. Depuis 2010, un certain plan Nord...

Nous sortons. Au retour du travail, dans la nuit de 18h, il fait -44°C avec le vent. Nous prenons le chemin qui nous donne une vue incroyable sur le village. « Regarde ça Ben, la Voie Lactée, comme elle est brillante! » Mais, il me semble qu'elle n'était pas exactement là d'habitude... « Ben, c'est la Voie Lactée? » « Non mon gars, c'est une AURORE BORÉALE!!! » 

Aucune ne photo ne rend justice à ce à quoi ressemble une aurore boréale. Oubliez le photoshop des livres!

Un avion s'est aventuré dans l'aurore boréale

J'ai jamais pensé que je pourrais scruter le ciel aussi longtemps, sans bouger, sous 30 km/h de vent aussi froid dans le dos.

Madame Saunders, votre âme est magnifique.

Guillaume

Sortie dans Kuujjuaq du mercredi 16 janvier


Sortir dehors à -33 avec une température ressentie de -41-un vent qui rentre dans la peau-, c’est fou, vous dites? C’est ce que nous avons fait cet après-midi dans des rues presque désertes pour apprendre à mieux connaître la communauté qui nous servira de maison pour les 7 prochaines semaines.



D’abord, arrêt au cimetière chrétien de Kuujjuaq. Couvert de plusieurs pieds de neige, on ne voyait que le haut des croix. Ensuite, visite à la deuxième épicerie de Kuujjuaq, le Northern,  celle qu’on nous avait dit être la plus chère. Les prix se comparaient au Newviq’Vi mais reste que un 2L de Coke pour 9.49, c’est cher payé des cuillères de sucre avec de l’eau comme dirait Guillaume, et ce peu importe l’épicerie. 

Malgré le prix, ce genre d'aliment reste populaire auprès des Inuits. 
Bien que plusieurs prix élevés en comparaison du Sud sautent aux yeux, ils ne sont pas toujours la norme

Ensuite, nous voyons plusieurs voitures stationnées devant l’église. Nous entrons et dans cette petite église bondée de gens avait lieu le service funéraire d’une habitante de Kuujjuaq. Le décès était indiqué depuis le début de la semaine alors que les drapeaux de la ville devant chaque bâtiment avaient été mis en berne. On aurait vraiment dit que la ville avait en quelque sorte arrêtée de fonctionner. On hypothétise que le service explique le peu de gens dans la rue. Nous avons quand même vu quelques personnes lors de notre marche : une fille qui faisait du ski doo en jeans pas de tuque alors que nous étions habillés jusqu’à nos lunettes pour empêcher le froid d’entrer dans nos yeux gelés.

Quand on ne fait qu'enlever ses lunettes pour quelques minutes,
on se rend vite compte de leur utilité!
Malheureusement, Guillaume a attrapé la maladie du Nord qui fait qu’il ne pouvait plus faire la différence entre chaud et froid. Malheur! En plus d’avoir été trahi par ses raquettes (craquées la veille et patchées au duck tape), ses bottes se sont mises de la partie juste pour agacer son gros orteil.

En fait, la maladie du Nord, c’est une dame de la seconde boutique artisanale de Kuujjuaq que nous avons visité qui nous l’a mentionnée. La co-propriétaire de la Tivi Gallerie, gallerie artisanale de Kuujjuaq, nous a dit qu’elle était venue à l’origine pour 6 mois pour travailler et voir son copain mais qu’elle a décidé de rester et y est depuis 5 ans. C’est ça la malade du Nord. Est-ce que nos manteaux nous protégerons de cette maladie? Nous le saurons un jour…

La dame nous disait qu’elle et son conjoint vendaient plusieurs produits locaux et nous a parlé de plusieurs produits d’alimentation Inuit qu’on peut se procurer en épicerie mais qui disparaitront bientôt, faute de fermeture de leur endroit de fabrication (entre autre le thé délice boréal, disponible dans certaines épiceries au Sud). En effet, les coûts d’exportation faramineux pour les produits font que l’investissement n’a pu rapporter. Elle nous a donné comme exemple le fait qu’elle achète des bouteilles d’eau au sud. Ces bouteilles coûtent 4$ pour une caisse de 24. Elle s’est rendue compte en calculant les coûts d’exportation (par avion) que cette caisse qu’elle faisait venir du Sud lui coûtait environ 2,05$. Vous l’avez deviné, c’est le prix unitaire par bouteille et non de la caisse!

L’autre boutique, la Nunavik Creations, appartenait à la société Makivik et encourageait la production d’art Inuit local elle aussi. Une Inuk ayant étudiée en stylisme dessine des patrons de mitaines, manteaux etc. inspirés de la tradition Inuit et engage des couturières de partout au Nunavik. Certes, ces deux boutiques quasi-adjacente ne vendent pas que des produits abordables pour tous mais elles encouragent la production Inuit. Sur chacune des pièces de Nunavik Creations est écrit le nom de l’artisane (en majorité des femmes mais il y avait quelques sculptures faites par des hommes).

Dernier arrêt au Hunter’s support, le paradis du chasseur/pêcheur. Attention par contre car il y a 2 prix, un prix affiché pour les Inuit et un prix pour les Qallunaat qui est le double. On attendra d'avoir développer des relations avant d'acheter!

 À la prochaine!

Ben

mardi 15 janvier 2013

Ulakut


Des consignes écrites en Inuktitut. Des voix en Inuktitut. Une fois atterri à l’aéroport de Kuujjuaq –la Grande Rivière-, c’est bien réel. Le projet qui a commencé par une discussion informelle entre deux hurluberlus de l’ergothérapie désirant vivre plus qu’un stage ‘’typique’’ s’est concrétisé. Après 2 hrs de vol, Guillaume et moi sommes bel et bien au Nunavik. all right!

Qui va au Nunavik vous demandez-vous?

Notre hôtesse de l’air avait sa perception de la chose : ‘’Dans cet avion, je te dirais que 80% des gens, ce sont toujours des visages que je connais et le reste sont nouveaux. La plupart viennent travailler de 2 semaines à x temps et sont en majorité des enseignants, employés du réseau de la santé (soins infirmiers, travailleurs sociaux, ergothérapeutes etc.)  et des employés de compagnies minières (Y a-t-il  des projets du Plan Nord à Kuujjuaq…). D’autres personnes, des visiteurs plus ponctuels, peuvent être des chasseurs qui viennent pour le caribou du mois d’août au mois d’octobre. ‘’

On sort de l’avion ne sachant pas à quoi s’attendre excepté qu’on doit prendre nos bagages. Une salle un peu plus grande que le CAFÉMUS sert à la fois de salle de récupération des bagages mais aussi de salle de retrouvailles et salle d’enregistrement des vols. Un M. d’une cinquantaine d’année nous dit : ‘’Benjamin? Guillaume?’’. Pas qu’on aie eu l’air touristes avec nos gros manteaux -40 (quand il faisait -6 en fait) et nos chapeaux à la coureur des bois mais j’ai comme l’impression qu’il a tout de suite su que c’était nous qu’il devait venir chercher. Une fois les présentations faites, Mr. C., ainsi qu’un de ses collègues, Bob, nous amènent faire un tour rapide de ville afin que nous connaissions les lieux pertinents à notre séjour : le marché Newviq’Vi, un mélange entre épicerie et magasin général, le bâtiment abritant les employés du réseau de la santé et des services sociaux et finalement notre logement. Nous étions censés habiter en transit mais faute d’espace, on a la chance d’être en appartement 4 ½ à environ 20 minutes de marches de notre milieu de stage.

Les deux personnes nous ayant accueillies nous montrent comment fonctionne le tout dans notre appartement : ‘’Ça c’est là! Ça sert à ça. La lumière rouge t’indique s’il manque d’eau ou de chauffage ou que tu ne peux plus aller aux toilettes (euh!!!). Si tu as besoin de quoi que ce soit, j’habite là. Ok bye!’’ Bien que ça aie duré environ 30 minutes et qu’ils ont bien pris leur temps, on est tellement sur l’adrénaline qu’on a grossièrement retenu et qu’on dirait que ça a duré 5 minutes.


-       ‘’Y as-tu dit qu’on manque d’eau quand la lumière est rouge?’’ dit Ben. ‘’Je pense que oui’’, dit Guillaume.  

-       ‘’La lumière du sewage full est rouge, ça c’est tu qu’on peut pas aller aux toilettes?’’…

En apparence anodines, ces 3 lumières ont beaucoup d'importance dans notre confort.

Une fois installés, première sortie pour découvrir Kuujjuaq. Dehors, un Inuk se promène en ski doo avec sa carabine autour de l’épaule. Des chiots huskies nous sautent dessus et finissent par nous suivre 400 m sans que personne ne les réclame jusqu’au moment ou des Inuit les prennent et nous demandent s’il s’agit de nos chiots.


Les chiens sont encore présents dans la culture Inuit mais ont une importance différente compte tenue de l'arrivée de nouveaux moyens de transports.

Kuujjuaq, sans être une autre planète, est bien différente que lorsqu’on est au Sud (tout le reste du Québec).

Commençons par le début…

D’abord, pour l’architecture, étant donné le pergélisol, la majorité des maisons sont sur pilotis.

Pour la clarté, NON IL NE FAIT PAS NOIR 20HRS PAR JOUR! En fait, le soleil se lève à 8hrs et se couche à 15hrs30 mais il est toujours à une hauteur comme s’il était 14hrs.

L’adaptation à la température de Kuujjuaq s’est bien faite puisqu’il faisait -6 et que le -40 dont on a tant entendu parler arrivera seulement plus tard cette semaine. Le lendemain de l’arrivée, il faisait -15 et, nous avons mis notre gros stock d’hiver (manteau, pantalons de neige, combines, chemises) et sommes allés à notre stage en raquette!!! Arrivé là, on s’est rendu compte, trempés de sueur, qu’on avait peut être exagéré sur les pelures d’oignon.


La journée, on a eu droit à une visite complète du bâtiment de l’agence et ensuite, une visite guidée de la ville en pick up. C’est là que Kuujjuaq s’est montrée sous son meilleur jour. Les paysages de petites montagnes couvertes de neige sont vraiment impressionnants et de bonnes randonnées en raquette seront en perspectives. Les gens de l’agence sont également tous passionnés et sympathiques.

Le premier bâtiment au fond à droite est notre lieu de stage

Revenus à l’agence, on a une autre perspective des raisons qui poussent les gens à venir travailler au Nunavik. Mr. C. nous énonce la sienne : ‘’Il y a 3 types de personnes qui viennent travailler au Nunavik ou les 3M comme je les appelle : ‘’les misfits, les missionairies et les moneymaker.’’

-‘’Et toi Mr. C., tu es quoi?’’

-       ‘’Un peu des 3!’’


À la prochaine chronique pour des photos de Kuujuaq, des informations sur notre projet et aussi sur les fameux prix des aliments...

Benjamin

L'arrivée

12h00, Kuujjuaq. Atterrissage réussi de l'avion. La descente à travers les nuages nous a montré un tout autre paysage que celui auquel nous sommes habitués. Des arbres. Tout petits, plus petit que moi, mais sûrement beaucoup plus sages. Une rivière, mais quelle rivière! Maîtresse dans ce lieu où la nature domine encore. Une cabane se montre au loin, en plein là où on ne peut croire qu'il y en ait une. Et les roues de l'avion qui touchent le sol de la toundra québécoise.

À l'aéroport, Bob et Mr. C., de la régie du Nunavik (RRSSSS17), nous font monter dans le pick-up, nous montrent l'épicerie, nous pointent le lieu de rendez-vous du lendemain 9h, nous donne la clé de notre appartement et au bout de 20 min depuis l'aéroport, nous souhaitent une bonne nuit... Encore sous le choc, nous partons pour l'épicerie. « Kinauppit? », surpris nous nous regardons. « What's your name? » nous demande un jeune garçon et deux de ses amis, tous curieux de voir des étranges comme nous. Peut-être nous ont-il reconnu à notre parka, le vent ne semble froid que pour nous... Nous revenons au coucher du soleil avec les mêmes légumes qu'à Sherbrooke, mais une fois et demi plus chers. Il doit être autour de 19h, pourtant l'horloge se tue à nous dire qu'il est 15h30. Nous mangeons, végé (la viande est trop chère), nous nous installons et nous couchons, mort de fatigue, à 23h30. 19h00, selon l'horloge.

Lundi matin, la marche en raquette jusqu'à la régie nous réveille, et je constate qu'elle réveille également le soleil qui se lève au dessus de ce Saguenay du Nord, la rivière Koksoak, la Grande Rivière! Les gens qui nous accueillent, souvent plus chaleureusement qu'au Sud, ont tous une espèce de flamme dans l’œil qui témoignent de leur ardeur et de leur passion pour les autres. Le tour de la régie, le tour de l'hôpital et le tour de ville m'émerveillent et m'étourdissent. Plein de nouveau monde, plein de nouveaux endroits, tant à connaître et tant à explorer. Notre rôle ici, les personnes qui pourront nous aider dans nos objectifs, qu'est-ce que j'ai dont à leur apporter, comment on fait pour recevoir du courrier ici? J'ai des questions plein la tête, mais je n'ai pas le temps, on vient d'installer internet chez nous, j'ai un travail à remettre et des proches à contacter pour leur dire que je les aime. Nous verrons aux questions demain. J'ai mal à la tête et je n'ai pas fini la vaisselle.

Mardi, s'asseoir et réfléchir, discuter avec mon collègue et ami, mais chercher à rendre la marchandise. Par où commencer, qu'elles sont les attentes de l'université, de notre superviseure à St-Bruno, de la régie? Qu'elles sont nos attentes un vis-à-vis l'autre et nos attentes personnelles? Tenter de clarifier, de mettre sur papier, de s'organiser. C'est fou comme la journée passe vite. Départ de la régie, il fait noir depuis longtemps. On prend un autre chemin qu'hier. On passe par les collines qui surplombent le village. Le vent nous caresse le visage. Quand la neige l'accompagne, il nous fait mal. Mais je suis bien, je n'ai ni froid ni chaud. Hier, à -24°C, j'avais trop chaud avec mon manteau, il ne me protège pas contre la chaleur... Une personne m'a dit un jour : « Au Québec, il n'y a pas de mauvaises températures, il n'y a que des gens qui s'habillent mal. » Des fois, faut être à Kuujjuaq pour comprendre.

À bientôt belle amour.

Guillaume

dimanche 13 janvier 2013

Fébrilité

Ceci est un test, mais aussi un premier message pour présenter le blogue des chroniques des aurores boréales. Benjamin et moi pourrons vous partager notre expérience au nord du 55e parallèle. Notre avion part dans quelques minutes, nous sommes enthousiastes de pouvoir faire partie de la communauté de Kuujjuaq que nous découvrons déjà en pré-embarquement.



À bientôt!

Benjamin et Guillaume